In memoriam Germain Monfort

C’est évidemment une grande tristesse qu’ont ressenti les membres de la Société des Études du Comminges quand nous avons appris ce mardi que Germain Monfort s’est éteint. Nous savions que sa santé était devenue fragile. Il avait appelé plusieurs d’entre nous ces dernières semaines, mais avait eu des propos confiants et rien ne nous laissait présager une fin si rapide. Germain Monfort était pour nous, depuis presque vingt ans, un compagnon enthousiaste, l’un des piliers, et l’infatigable cheville ouvrière de notre société savante. 

Photo J. Villeroy – Exposition 2018

Germain Monfort est né en 1946 et a grandi dans le petit village de Bernet aux confins du Gers et des Hautes-Pyrénées, en pays d’Astarac. Après une scolarité effectuée dans une école militaire en qualité d’enfant de troupe, il suit une carrière dans le génie de l’armée de terre, essentiellement dans les  services d’infrastructure, aux niveaux local et central, en école, en métropole et outre-mer. Il y a exercé des fonctions de gestionnaire et d’instructeur.

Il termine sa carrière au secrétariat général pour l’administration près le ministre de la défense où il est en charge de questions relatives à la politique immobilière interarmées et à la gestion domaniale. Le président de la République vient de suspendre la conscription. De nombreuses casernes, parfois vétustes et situées en ville, ne sont plus utiles et sont mises en vente pour permettre la rénovation urbaine et le financement du maintien de nos armées.  Germain Monfort accède alors au grade de colonel peu avant sa retraite en 2003. Avec son épouse Françoise, ils quittent alors la région parisienne pour s’installer en Comminges, à Saint-Gaudens qui devient la terre d’élection et d’adoption de ce Gascon de cœur. 

Dessin de G.Monfort.
Couverture de l’ouvrage publié par le CAUE et Loubatières

Est-ce le souvenir des granges de son enfance en doux pays d’Astarac ou bien parce que la maison qu’ils habitent en possède une remarquable que Germain Monfort se passionne pour les charpentes apparentes du Comminges ? En tout cas, à la faveur des belles journées, cette passion le conduit sur les serres et dans les ruelles de nos villages à la redécouverte d’un patrimoine vernaculaire essentiel et méconnu. Son enquête, publiée par le CAUE de la Haute-Garonne et par la Société des études du Comminges est une référence et l’illustration de l’humble travail méthodique d’un chercheur rigoureux et attentif aux témoignages les plus ténus d’une vie rurale mise à mal par les mutations en cours des campagnes. Il en dresse la typologie des formes, des matériaux, des clayonnages et propose des pistes d’action pour préserver et rénover. Nul doute que le futur Parc naturel régional Comminges Barousse Pyrénées reprendra ce travail et ses préconisations dans ses actions concrètes. 

Cette première rencontre avec la Société des études du Comminges marque le début d’un compagnonnage de presque vingt ans et des collaborations fructueuses avec de nombreux chercheurs en histoire et des acteurs locaux du patrimoine. Germain poursuit ses propres travaux et apporte un soutien discret mais déterminant à ses consœurs et confrères. C’est ainsi qu’il œuvre auprès d’Emilienne Eychenne, Marie-Louise Guillaumin, Daniel Henry, et tant d’autres. Il participe aux inventaires menés par Isaure Gratacos sur le site archéologique du Pla de Beret (Val d’Aran) ou dans les granges et cabanes de fromagers de la Haute Barousse. En 2009, à la demande du président Souriac, il devient secrétaire général de notre association. Il est alors le premier interlocuteur de toutes celles et tous ceux qui entrent en relation avec nous. L’un des visages familiers et avenants de la SEC. Germain Monfort a très vite compris l’essence de notre compagnie, il a fait sienne son histoire, ses « rites », ses joies et ses silences. Il est allé à la rencontre de chacun de nous et a proposé, avec doigté et discernement, les transformations et les évolutions nécessaires à notre survie et à la continuation de l’action menée par nos fondateurs et continuée au long du XXe siècle, notamment par notre autre colonel – Stanislas Mondon – dont il admirait le travail sur la charte de Saint-Gaudens. Il assure l’organisation de nos conférences mensuelles – Les mardis de la SEC – et publie plus d’une cinquantaine de textes dans la Revue de Comminges, dont certains illustrés de dessins originaux à la plume laissant deviner des talents d’artiste.

Auparavant, dès 1986, il avait publié parmi les Actes de la journée des archéologues gersois, une première note sur la découverte d’un probable site gaulois repéré et documenté par ses soins dans les champs de Bernet, le village de son enfance auquel il continuait de s’intéresser, préparant le commentaire de la charte de coutumes octroyée par les Castelbajac et dont il possédait une copie ancienne et inédite. 

La mémoire des poilus du 83e d’infanterie territoriale passés par la caserne Pégot et les actions courageuses de la Résistance commingeoise n’avaient aucun secret pour lui. Sur ce sujet encore sensible, inlassablement, il a collecté les témoignages et les a confrontés aux documents pour mieux comprendre, raconter et transmettre cette histoire fondatrice de notre société contemporaine. L’Histoire pour Germain, si elle avait d’abord le don « de le distraire » pour reprendre le mot de Marc Bloch, elle devait aussi contribuer à « faire société », « apprendre à vivre ensemble », « faire partage et valeurs communes en République ». Il discernait parfaitement les enjeux de l’Histoire et des mémoires et je garde le souvenir d’échanges nourris et confiants sur ces questions sensibles.

Photo J. Villeroy

Dans le même temps de son installation à Saint-Gaudens, Germain Monfort, le « colonel Monfort » mène aussi son engagement au titre de la Société des Membres de la Légion d’Honneur. Il en rejoint le comité local en 2005, d’abord comme vice-président puis comme président en 2015. « Servir ». Voila un verbe d’action qui caractérise notre ami. « Servir » avec désintéressement. « Servir » pour rendre encore et toujours à la République ce qu’elle lui a donné. « Servir » pour que nous partagions valeurs et actions communes.

Au sein de la SMLH, ses actions principales portent sur l’éducation citoyenne dispensée dans les écoles élémentaires au profit des élèves de CM1-CM2 – une attention aux enfants et au rôle de l’éducation qu’il partage avec son épouse, le maintien des contacts avec les membres, notamment par la création et la diffusion d’une lettre périodique « Le Lien » dans laquelle il communique ses valeurs et le prestige de l’ordre par les relations étroites avec les autorités locales. Très attentif aux autres, il multiplie les visites, prend des nouvelles des malades, accompagne les familles. Il manifeste une grande humanité et une belle sensibilité qui font de la SMLH de Saint-Gaudens une institution reconnue, vivante et présente au quotidien de la ville et de sa population.

Entre le calendrier des commémorations et celui des activités académiques de la Société des Études, Germain veille à préserver les temps du ressourcement en famille et à Bernet. « Ah non pas ce moment là » disait-il avec malice évoquant la présence des enfants et des petits-enfants à Saint-Gaudens ou dans le Gers. Moments respectés et régénérateurs pour celui qui donnait tant pour les autres. 

Il y a, non loin d’ici, à quelques mètres en contrebas du chevet de la collégiale, face au Cagire enneigé qui se découpe sur le ciel bleu, un lieu qui porte l’empreinte de notre ami Germain et qui nous aidera à entretenir son souvenir et l’admiration que nous lui devons. Son attention à la mémoire combattante et le cycle du Centenaire de la Première Guerre mondiale l’avaient conduit à s’intéresser au monument aux morts de Saint-Gaudens. Une œuvre exceptionnelle du sculpteur Ducuing qu’il révéla aux Saint-Gaudinois par des publications et à l’occasion de visites animées, baguette à la main ! Il y accompagnait les élèves des écoles et des collèges, recevait des lycéens et des étudiants pour leur transmettre un savoir simple et les éveiller à une réflexion sur un sujet complexe et d’une actualité intense alors qu’il nous quitte : le rapport à la guerre et à la paix. Ce monument, face à celui des trois maréchaux – dont l’outrage l’avait profondément attristé – est un lieu de mémoire républicaine sur cette esplanade dite aujourd’hui de la Légion d’Honneur qui accueille, grâce à lui, une flamme qui ne s’éteindra jamais, symbole des valeurs de rigueur, d’engagement, de partage et d’humanité bienveillante que nous enseigne son parcours de vie dont il écrivait « qu’il trouve sa source dans l’éducation reçue d’abord de [ses] parents, puis de l’école de la République ». 

Cérémonie du 19 février 2022. Le support de la flamme a été dessiné par G. Monfort. Photo A. Mas

Avec la disparition de Germain Monfort, Saint-Gaudens perd l’une de ses personnalités les plus attachantes et un homme remarquable qui a contribué à la connaissance, la préservation et la transmission d’un patrimoine culturel et de valeurs fédératrices.

La Société des Études du Comminges, très émue de cette disparition, souhaite rendre hommage à l’un de ses membres les plus actifs et présente à son épouse, ses enfants et petits-enfants ses plus sincères condoléances.

Yoan Rumeau 

président de la Société des études du Comminges 

Textes publiés par G. Monfort dans la Revue de Comminges et des Pyrénées centrales

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