Hommage à Marie-Louise GUILLAUMIN

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Hommage rendu
à Madame Marie-Louise Guillaumin
à l’occasion de ses obsèques en la collégiale de Saint-Gaudens
le jeudi 10 mars 2016

C’est évidemment une grande tristesse qu’ont ressentie les membres de la Société des Études du Comminges quand nous avons appris ce dimanche que Madame Marie-Louise Guillaumin s’est éteinte. Nous savions que sa santé était devenue fragile et nous redoutions le jour où l’on nous annoncerait cette disparition. Marie-Louise Guillaumin était pour nous, depuis un quart de siècle, une compagne exquise et l’un des piliers de notre société savante. Aussi, nous vous remercions, de nous permettre de lui rendre hommage en ce jour.

Originaire de la Creuse, où elle naquit le 12 août 1924, Marie-Louise Peluchon avait grandi à Saint-Julien-le-Châtel, auprès de ses parents qui formaient un couple d’instituteurs, et de sa grand-mère maternelle, agricultrice, dont elle était très proche.

Elevée dans les valeurs de la République, laïque et sociale, elle connut, enfant, le quotidien des maîtres d’école de la France rurale de l’entre-deux-guerres. Ses parents, engagés dans la vie de la cité – l’un comme secrétaire de mairie et d’un syndicat agricole, l’autre comme déléguée locale du syndicat national des instituteurs et comme responsable de la Croix Rouge – étaient des militants au service d’une cause et d’une ambition qu’à son tour elle embrassa : l’éducation d’une jeunesse et son émancipation dans un cadre démocratique. À l’image de ses parents, elle consacra donc sa vie à l’éducation et à l’enseignement, au cours d’une carrière exemplaire.

Auparavant, elle fut une élève remarquée et une étudiante appliquée et méritante qui traversa, non sans émotion et sans risques, les années sombres du régime de Vichy dans un département agité et marqué par la répression sanglante des mouvements de Résistance. Ses parents hébergèrent des réfugiés et des hommes traqués par la Gestapo, leur fournirent des faux-papiers : actes d’une résistance ordinaire et preuves d’une conscience politique, partagés par leur fille. Son oncle André Peluchon, maquisard en Limousin, fut déporté et décéda à Buchenwald. Lycéenne à Guéret, Marie-Louise a mené l’existence périlleuse d’un jeune fille engagée, agissant modestement, symboliquement parfois, dans des temps qui pourtant ne connaissaient pas la nuance et qui auraient pu lui valoir les pires souffrances. Reçue au baccalauréat, elle rejoint l’institut pédagogique régional de Clermont-Ferrand où elle côtoie des étudiantes alsaciennes en exil et obtient, en 1945, son certificat d’aptitude pédagogique. Mais, après la Libération, elle fait le choix de poursuivre ses études et obtient une licence de lettres modernes avec une forte composante d’histoire et de géographie.

En 1948, elle épouse Jean Guillaumin et commence d’enseigner au Lycée de Jeunes Filles de Riom. L’année suivante voit la naissance de leur fille Marie-Hélène alors que Marie-Louise enseigne maintenant à Montluçon.

C’est en 1956 que Marie-Louise et Jean Guillaumin, cadre à la BNP, s’installèrent sur ces bords de Garonne au pied de la chaîne des Pyrénées qu’ont leur recommanda pour son bon air et son ensoleillement.

Marie-Louise Guillaumin enseigne alors au Lycée d’Etat de Saint-Gaudens, près de la sous-préfecture, dans les murs de l’actuel Collège Leclerc. Elle découvre le Comminges et participe à la vie d’une ville en mutation sous l’effet de l’installation de l’usine de pâte à papier que Jean rejoint en 1966. Trois ans plus tard, Marie-Louise est reçue au CAPES d’histoire-géographie et, après une année au collège de Montréjeau, elle retrouve le lycée de Saint-Gaudens où elle poursuit une carrière exemplaire au service de ses élèves, mais aussi de jeunes collègues dont elle assure la formation et qu’elle accompagne dans leur entrée dans le métier. Peu avant de prendre sa retraite, elle fut promue officier des Palmes académiques en 1988. Tous se souviennent de sa bonté et de sa bienveillance. Dans un portrait que lui consacra un journal local, elle nous apprit qu’elle se rappelait du nom de chacun de ses anciens élèves. Qui peut en dire autant ? Qui en douterait ? Exigeante comme on imagine que pouvaient l’être ses parents instituteurs dans la Creuse de la Troisième République, elle était aussi bonne, bienveillante et attentionnée que sa grand-mère maternelle le fut pour elle, et pour les enfants des mineurs de Lavaveix, non loin de Saint-Hilaire-la-Plaine.

Marie-Louise Guillaumin ne fut pas uniquement une enseignante hors pair ; elle fut aussi une historienne rigoureuse et une conteuse passionnante. Depuis 1991, elle a publié plus d’une cinquantaine d’articles et de biographies dans les bulletins de la Société des Etudes du Comminges et des Amis des Archives de la Haute-Garonne. C’est une véritable œuvre intellectuelle au service de deux passions : la Résistance et Saint-Gaudens. La Résistance d’abord qu’elle étudia avec méthode dans un temps où l’accès aux archives n’était pas possible et où il fallait travailler et critiquer une matière vive et complexe : les témoignages des acteurs d’une époque récente et troublée. Elle le fit pour quatre cantons du Comminges avec une rigueur et une probité qui lui permirent de voir son travail reconnu par les meilleurs spécialistes et d’intégrer l’équipe du Comité d’histoire de la Seconde Guerre Mondiale en Haute-Garonne rattaché au prestigieux Institut d’histoire du temps présent. Elle y côtoya Rolande Trempé, Michel Goubet, Daniel Latapie, Serge Ravanel. Tous devinrent des amis. Elle faisait alors profiter ses élèves de ces contacts et de ses échanges.
De Saint-Gaudens, elle devint l’historienne des apprentissages républicains. Ses travaux réunissent dans une galerie de portraits originaux et précis élus, acteurs politiques, économiques et culturels de notre petite ville aux XIXème et XXème sècles. Impossible, pour qui veut découvrir ou étudier l’histoire de cette ville, de ne pas lire les travaux de Marie-Louise Guillaumin. Jusqu’à ces derniers mois, inlassablement, elle a mis en forme ses notes, aidée par certains de nos membres, pour composer des articles sur la Résistance, la vie à Saint-Gaudens pendant la Grande Guerre ou l’histoire de l’hôtel de ville. La République, ses lieux, ses acteurs et ses symboles ne sont jamais très loin lorsque Marie-Louise écrit sur sa ville d’adoption. A l’image, peut-être, du travail que son père fit sur Saint-Julien-le-Châtel, qu’elle aimait à rappeler avec une fierté toute filiale? A l’image, certainement, de l’engagement de toute une vie !

Yoan Rumeau
président de la Société des études du Comminges

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