La SEC à Pau le 26 octobre 2013

Cette journée s’annonçait comme des plus agréables car la météorologie était avec nous. Le temps clair nous a permis de contempler tout au long du trajet de Saint- Gaudens à Pau les principaux sommets des Pyrénées centrales aux formes bleutées, nous accompagnant ainsi jusqu’aux portes de Pau.

Nous étions accueillis par la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau et du Béarn (SSLA) à l’auditorium de la Médiathèque André Labarrère, à Pau. M. Benoît Cursente, son président, nous présentait la SSLA, créée une première fois en 1841, puis relancée en 1871. Depuis 1974 elle publie annuelle- ment la Revue de Pau et du Béarn qui peut être consultée à la bibliothèque de la Société des Études du Comminges. La SSLA ouvre les pages de sa Revue aux passionnés de tous horizons, qu’ils soient universitaires ou simples amateurs curieux. Elle a récemment créé, en partenariat avec l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, un prix destiné à récompenser les meilleurs travaux d’étudiants. La SSLA est hébergée par les Archives Départementales de Pau. Elle organise une sortie annuelle, généralement en juin, qui connaît un franc succès. C’est à la fin des années 1980, sous la présidence de Pierre Tucoo-Chala, que la SSLA connut sa plus grande expansion (elle compta jusqu’à 1 400 membres), contre 300 adhérents aujourd’hui, malgré l’enthousiasme de son équipe dirigeante actuelle. En réalité, la ville de Pau compte de nombreuses associations (dont l’Académie de Béarn) qui animent et fragmentent d’autant la vie culturelle locale. La SSLA s’est résolument tournée vers l’avenir en développant un site web (www.ssla-pau-bearn.fr).
Le Président René Souriac prenait alors la parole pour présenter à nos hôtes la Société des Études du Comminges. S’ensuivit un moment d’échanges fructueux. Puis Benoît Cursente reprenait la parole pour présenter « La dynastie des Centulle », ces vicomtes de Béarn qui, dès la fin du Xe siècle commençaient à s’émanciper de la tutelle des comtes de Gascogne et consolidaient peu à peu leur pouvoir. D’une modeste vicomté centrée sur le Vic-Bilh, ils réalisaient une puissante entité autonome qui s’étendait vers le sud, et se tournait résolument vers l’Aragon. Le plus illustre représentant de la dynastie était sans conteste Gaston IV le Croisé qui participait activement tant à la prise de Jérusalem qu’à la Reconquista, s’illustrant particulièrement au siège de Saragosse en 1118. Ces princes « carolingiens », qui alliaient pou- voir civil et religieux, ont su habilement pactiser avec les populations urbaines naissantes, auxquelles ils accordaient les Fors de Béarn (à Oloron dès 1080, Morlaàs en 1088, etc.), qui favorisaient le développement de ces bourgs. Sur le plan ecclésial le Béarn disposait de deux villes épiscopales, à Sainte-Marie d’Oloron au sud (où s’illustrait l’évêque Amat, légat du pape), et Lescar (l’antique Beneharnum) à quelques kilomètres à l’ouest de Pau, qui n’était alors qu’une place forte. La capitale des vicomtes était Morlaàs, située à 12 km à l’est de Lescar. Centulle V le Jeune y installait une communauté monastique qu’il confiait à Cluny en 1079, pour se faire pardonner son mariage avec sa cousine Gisla. Le Président René Souriac remerciait Benoît Cursente et présentait à son tour le Comminges féodal.

Après un déjeuner pris dans un restaurant de Lons dans une ambiance détendue, nous rejoignions la cathédrale de Lescar. Emmanuel Garland nous présentait l’édifice, son histoire, son patrimoine. La cathédrale, panthéon des rois de Navarre au XVIe siècle, a connu bien des vicissitudes au cours des âges, et particulièrement au moment des guerres de Religion (le Béarn devint alors une terre protestante où le culte catholique fut purement et simplement interdit pendant plusieurs décennies) et de la Révolution française. Remarquablement restaurée, elle est aujourd’hui le plus beau monument roman du Béarn. Son chevet, élevé sous l’épiscopat de Gui de Lons, dans les années 1110- 1120, est exceptionnel. Les chapiteaux et les modillons furent sculptés par des artistes fortement influencés par Saint-Sernin de Toulouse. La représentation du Sacrifice d’Abraham à l’entrée du chœur, en est le chef-d’œuvre. Notre guide nous montrait comment l’iconographie, en cette partie de l’édifice, était étroitement liée à l’usage liturgique du lieu, qu’il s’agisse des chapiteaux historiés, ou de la remarquable mosaïque qui orne le sol de l’abside et qu’une inscription attribue à Gui de Lons. Il insistait égale- ment sur les liens qui pouvaient exister entre certaines œuvres commingeoises et la cathédrale, et qui traduisent une communauté de pensée au sein des Pyrénées et, au-delà, du grand Sud-Ouest. Le temps nous faisait défaut pour pouvoir examiner en détail toutes les œuvres, en particulier le décor peint de l’abside, réalisé par Dominique Bordes, au milieu du XVIIe siècle, et magnifiquement restauré en 2008.

Nous nous rendions ensuite à Morlaàs pour une visite de l’abbatiale. Après un bref coup d’œil à l’intérieur (un mariage devait être célébré !), le temps d’admirer l’abside avec ses grandes arcades et ses chapiteaux si caractéristiques du style de Jaca, nous nous retrouvions au chevet pour découvrir l’histoire du monument : une église abbatiale charpentée édifiée en plein bourg comtal à la fin du XIe siècle, dans la lignée du premier âge roman, et que peu de temps après, le goût changeant et les revenus rentrant, les moines voulurent orner de façon plus riche et voûter, un projet qui, lui, ne put être achevé aux temps médiévaux. Tout ce qui put être réalisé, ce fut le voûtement et le décor sculpté de l’abside, ainsi que le portail occidental. Ce dernier apparaît comme grandiose, le plus imposant du Béarn, avec ses statues des douze apôtres qui flanquent le grand tympan subdivisé avec deux tympanons, entouré d’un ensemble de voussures sculptées tantôt végétales, ou historiées. Hélas nous apprenions que ce que nous avions
devant nous n’était que le fruit de la restauration qui s’étendait tout du long de la seconde moitié du XIXe siècle sous la conduite de l’inspecteur en chef des Monuments historiques Émile Boeswillwald, successeur de Prosper Mérimée et tailleur de pierre de formation. Néanmoins les photographies anciennes et les vestiges qui subsistent de l’œuvre romane (et dont nous avons pu apercevoir quelques éléments) permettent d’affirmer que le portail tel qu’il se présente aujourd’hui reproduit bien dans son ensemble les dispositions du portail d’origine, où s’exprime le message de la transmission de la Bonne Nouvelle par les apôtres et le relèvement de l’homme pécheur jusqu’à la participation à la Parousie en présence des vingt-quatre vieil- lards de l’Apocalypse. Cette œuvre marque l’avènement de ce que Jacques Lacoste appelle « le grand atelier », cet atelier béarnais qui s’illustra pendant les années 1120-1160 en différents lieux du Béarn (voussures de la cathédrale Sainte-Marie d’Oloron), mais aussi à Uncastillo en Espagne, témoignage une fois de plus que les hommes n’hésitaient pas à franchir les Pyrénées à cette époque.

C’est sur cette note finale que nous nous séparions de nos hôtes du jour, non sans les avoir chaleureusement remerciés et invités à une visite du Comminges en septembre prochain.

Merci à Emmanuel Garland pour ses commentaires détaillés sur les édifices religieux de Lescar et Morlaàs, et que nous avons très largement empruntés pour rédiger ce compte-rendu.

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